Remplissez la terre et dominez-là…

Prédication sur la question du climat, sujet à la fois très grave, très difficile et potentiellement désespérant. 

Cathédrale de Lausanne, 24 septembre 2017

Lectures : Psaume 8 ; Genèse 1, 26-28 ; Col 1, 15-20 ; Matthieu 5, 3-4

Chers amis, quand il s’est agi de partager les thèmes du 500e entre les collègues prédicateurs, il m’est tout naturellement venu à l’idée de choisir la question écologique (Vous connaissez mon intérêt pour cela !) 

Mal m’en a pris, d’abord parce que certains d’entre vous pourront dire : « encore ! », mais mal m’en a pris surtout parce que c’est un sujet à la fois très grave, très difficile et potentiellement désespérant. 

C’est un sujet qui est en passe de devenir le sujet no 1 des préoccupations mondiales. 

Si, voici quelques années, on annonçait qu’il y aurait des changements climatiques on recevait au mieux un sourire poli … 

Or depuis quelques temps ils deviennent perceptibles à nos sens : l’été que nous avons vécu, la canicule, Gondo, Irma, Maria… les températures de Madrid à Toulouse, le sixième continent de plastique au cœur du Pacifique… Tout cela ne peut plus être nié, ni relativisé… 
Cette violence des faits ne produit pas de changements constructifs. Au contraire, elle fait peur, elle creuse encore plus notre sentiment d’impuissance. Sentiment d’impuissance redoublé du fait que la responsabilité de ce qui arrive est collective et l’action possible pour en contrer les effets est individuelle ou l’action de groupes restreints apparemment peu efficaces.

Que penser, que faire en tant que chrétiens, devant ce qui s’annonce (il faut bien le dire) comme un avenir sombre, dramatique, apocalyptique ? 

D’abord tordre le cou à un certains nombres de poncifs selon lesquels ce serait la Bible, la Genèse, le 1e chapitre de la Genèse, qui serait responsable du comportement prédateur des humains.

Ces versets que nous avons entendu tout à l’heure  

Dans le chp 1, aux v. 26 et 28, nous avons le verbre radah, qui signifie : dominer ou soumettre ou se rendre maître, et le verbe kabash, que l‘on rend par dominer ou assujettir.

C’est bien leur sens et c’est bien ainsi qu’ils peuvent être pris et qu’ils ont été pris…

Mais, en faisant un travail un peu plus approfondi sur ces deux racines, on peut toutefois remarquer quelques nuances : 

Kabash : 14x dans la bible (dominer assujettir, commander), signifie non pas dominer pour dominer, mais enlever les obstacles pour permettre l’installation du peuple d’Israël… ( !?) 

Radah, 22x dans la bible (soumettre commander, être le maître) : souvent utilisé pour décrire le pouvoir du roi dans une logique où il ne devrait pas abuser de son pouvoir, mais se mettre au service… à tel point que qu’on a pu traduire le sens de ce mot en anglais avec le terme de steward, intendant, gardien…

C’est d’ailleurs le sens du chapitre suivant :  Genèse 2,15, : « le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder », le mot cultiver étant d’une racine qui veut dire prendre soin, et qui a donné le mot serviteur…

Ce n’est pas un texte biblique qui peut fonder un tel comportement prédateur. Non (en aurait-il par ailleurs le pouvoir ?) 

L’origine, la cause de la domination des ressources naturelles prend sa source dans le fait que, durant des millénaires, jusqu’il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, la nature représentait un danger considérable contre lequel les humains devaient se battre pour ne pas être battus. Se battre pour en tirer nourriture et sécurité.

C‘est dans l’instinct de survie (un des plus puissants, si ce n’est le plus puissant qu’on appelle aussi instinct de conservation) que s’origine notre désir et notre besoin de dominer la terre. Un désir légitime, mais un désir qui peut déraper. Qui peut s’emballer. Qui peut s’autonomiser. Un désir prométhéen, qui veut se rendre maître tout seul du feu, qui veut le ravir aux divinités. Un désir dont le chapitre 3 de la Genèse nous parle aussi : si possible se passer de Dieu lui-même pour conduire sa propre vie selon ses propres lois. Auto-nome. si vous mangez le fruit dit le serpent, « vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal… »

Et ce mythe -qu’il faudrait bien sûr développer- dit beaucoup de chose de notre destin d’humains sur la terre…  

Personnellement je ne crois pas que le travail soit une punition, mais il a été ressenti comme cela… et c’est un fait que la vie sur terre est difficile « c’est à force de peine que tu tireras ta nourriture tous les jours de ta vie v. 18» disait la Genèse. Il fallait lutter contre la nature pour en tirer sa subsistance (famine) et se prémunir des dangers bêtes sauvages

Ca a duré longtemps, très longtemps… On date la préhistoire à 200’000 ans et les débuts de l’agriculture voici 10’000 ans 

… ce n‘est que vers 1750, au début de l’ère industrielle, que la tendance a commencé à s’inverser. : 

  • invention de la pompe à eau actionnée par la vapeur) 
  • utilisation de l’énergie fossile au service de cette maîtrise de la nature. Ceci avec une force devenant toujours plus exponentielle… « Devenir comme maîtres et possesseurs de la nature » (Descartes)

Et cette volonté de l’humain de vouloir assujettir la nature et la dominer a grandi, grandi, et donne depuis plus de 100 ans dans la démesure : charbon, pétrole, atome…

Un mot grec désigne cela un mot fort, un mot puissant : l’Hubris (hybris) : la démesure l’orgueil, la vanité.

Ce mot -HUBRIS- décrit parfaitement notre société actuelle : la démesure. La toute-puissance de la science avec sa fille la technique. La Science régit notre monde, en est l’agent. Un agent immaîtrisable, dont chacun est acteur sans en être le maître…  On sait qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion, et pourtant il vole, à une vitesse folle… 

Cette science et cette technique qui nous fait devenir nous-même des dieux.

« Si vous mangez le fruit vous serez comme dieux » disait le serpent…

Et voilà que la nature, qu’on a un temps domestiquée commence à reprendre le dessus… et de manière très puissante, les 3’00km/h de Irma ne sont que bien peu de choses face à ce qui se prépare..   

Difficile… je vous l’avais dit en introduction. 

Désespérant ? Ca peut… 

Mais si j’étais désespéré serai-je ici en milieu de vous ? 

Bien sûr que non. 

Il y a des pistes…

Si l’origine du problème actuel du climat réside dans le fait de l’hubris de l’humain, et que cet hubris résulte de son rejet de Dieu, rejet du créateur, rejet de la relation avec lui..

———> C’est bien dans le retour à la relation à Dieu que résidera la sortie de crise…

Et la relation à Dieu n’est guère qu’un autre nom de ce que nous nommons la foi, la confiance en lui. Si on vit « en Dieu », si on lui fait confiance pour sa vie comme pour sa mort, alors quelque chose change en nous. 

On a moins besoin de s’assurer de tout soi-même par tous les moyens, de tout contrôler… on se détend. On prend conscience que notre bonheur ne dépend pas de ce qu’on a, mais de ce qu’on est… 

Cela a des conséquences puissantes sur notre impact en CO2 

Ce qui importe dès lors c’est de vivre et d’approfondir sa relation avec Dieu : la prière, la méditation, les relations fraternelles avec tous… 

La lecture biblique ET la mise en pratique de ce qu’elle demande  

Rappelez-vous, dans la genèse il s’agit d’être les intendants de la terre, d’en prendre soin, d’en être les serviteurs…  Ce n’est pas rien ça !

Ca se concrétise de mille manières au quotidien. Sur la manière de chauffer nos maisons, de voyager, de manger… 

Quand on entend Jésus nous enseigner les béatitudes, ce n’est pas un hasard s’il dit : Heureux les doux… (Matthieu 5, 4)

Qu’est-ce que le contraire de l’hubris ? La mesure, l’humilité, sobriété, modestie… Toutes ces qualités sont proches des fruits de l’Esprit (la vie de Dieu en nous) : l’amour, la joie , la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la douceur… 

Rappelez-vous quand jésus dit : « heureux les doux, ils auront la terre en partage ».

Et je terminerai par le magnifique hymne aux Colossiens qui place notre question inaugurale à un niveau extrêmement subtil et spirituel :

Cet hymne, qui commence par le rappel du fait que -en Christ- nous avons part à l’héritage divin, à l’amour de Dieu et sa lumière, que nous avons été arrachés aux ténèbres, et que cela produit la joie et la reconnaissance…

Et que ce Christ est co-créateur de l’Univers..

Tout a été créé par lui et pour lui 

Par Lui, avec Lui et en Lui, dit la liturgie de la messe…

Cela place nos existences en celui par qui tout est maintenu…  

A lui soit la gloire et nous l’action, 

AMEN 

……….. 

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