MANGER ne suffit pas

 « Echos de La Bible » pour l’ECHO-Magazine du 24 février 2022                                       

Dans deux semaines commence le temps du Carême. La liste de lecture biblique des dimanches nous invite année après année à entrer dans ce temps de préparation à Pâques par une méditation sur les tentations de Jésus au désert.

En notre époque postmoderne, on écarte volontiers cette notion de tentation tant elle apparait vieillotte, poussiéreuse et culpabilisante. « Jouir sans entraves », lisait-on sur les murs de Paris en mai 68… si, à l’époque, cela a sans doute été une saine réaction face à une société d’un conformisme étouffant, c’est devenu peu à peu un mode de vie. Depuis cette époque, notre société vit massivement sur l’invitation à se laisser tenter. « Je résiste à tout sauf à la tentation ! » disait Oscar Wilde avec humour, mais aussi avec un certain réalisme sur les capacités humaines ! C’est le mode même de notre fonctionnement économique. Avant on réalisait des produits pour nos besoins et on s‘est mis à créer des besoins pour les produits, la publicité consistant précisément à mettre cela en œuvre. A rendre les choses tentantes : « Avec telle ou telle acquisition, vous serez plus heureux, plus considérés, plus désirables, plus puissants ». C’est cette attitude qui a transformé notre société de subsistance (ou l’on avait simplement de quoi vivre en suffisance) en société de consommation à outrance avec les terribles impacts environnementaux que l’on sait… 

Depuis quelques années en début de Carême, chaque fois que j’entends ou que je lis le récit des tentations du Christ, une phrase, un mot de la première des trois tentations vient frapper mon attention :  Après avoir jeûné durant une longue période Jésus eût faim. Alors le diable lui dit : 

« Si tu es le fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent du pain !» Jésus refuse la proposition en citant les Ecritures : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Il montre qu’il y a autre chose que la faim du ventre, que la satisfaction des besoins. Un autre plan : spirituel. Que le fait de manger à satiété ne nourrit pas l’être, l’intériorité. 

Or que fait notre société ? Elle fait précisément du pain avec des pierres. Petr-ol, huile de pierre, étymologie du mot pétrole. C’est avec du pétrole qu’on fait de l’engrais. C’est l’engrais chimique qui a littéralement décuplé la production agricole mondiale et élevé les niveaux (matériels) de vie de beaucoup. C’est avec du petr-ol qu’on chauffe les serres du monde entier pour contrebalancer l’effet des saisons. C’est avec du petr-ol qu’on transporte la nourriture d’un bout à l’autre de la terre. C’est avec du pétr-ol qu’on emballe tout cela… (le plastique).

En prenant un peu de recul, on peut dire, et c’est bien navrant, qu’on y est tombé, dans cette tentation. Notre société entière semble comme prise au piège. Ce pétrole, qui nous ouvrait un avenir magnifique dans un premier temps et qui l’a d’ailleurs fait, montre de plus en plus son côté sombre et ses limites… C’est hélas le propre des tentations, au début, de nous faire croire que le bonheur est dans le pré…

Est-ce fatal ? pas inéluctablement. Il est toujours temps et possible d’agir. Voici un exemple assez élémentaire pour le chrétien pratiquant. A chaque fois que l’on prie le Notre Père, on dit : « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Bon moyen de réfléchir et de devenir toujours plus conscient, plus attentif, jusque dans les détails, à notre consommation de pétrole… Chaque goutte de pétrole qui reste dans la terre est un pas dans le bon chemin. Durant ce carême partout où ce sera possible, je tenterai (!) de voir comment diminuer la part de pétrole dans mes habitudes de vie…  Un petit écogeste concret.

Ca ne veut pas dire qu’il faut s’abstenir de manger et d’avoir du plaisir à manger. En effet, le refus de Jésus de faire du pain avec des pierres ne l’a pas empêché de se nourrir lui-même (l’évangile nous le montre souvent à table). Cela ne l’a pas empêché non plus de nourrir les foules.  Les récits de multiplication des pains dans les évangiles nous parlent de la surabondance de la grâce de Dieu… Et puis, au paroxysme, Jésus est lui-même allé jusqu’à prendre le pain comme testament-signe de sa présence actuelle vivante et vivifiante comme nourriture spirituelle pour chacun de nous. Il nous nourrit intérieurement et nous élève spirituellement. Pour ne pas avoir faim il s’agit bien de se nourrir de cette parole qui vient à notre rencontre.   

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