Prière ou méditation

                                                       

La prière

Le mot prière vient du latin precari, même racine que précarité. L’usage laïc de ce mot fait immédiatement penser à une demande ou à l’expression d’un besoin, mais ce mot recouvre une quantité de sens qui vont bien au-delà.

La prière chrétienne, mais aussi juive ou musulmane, implique un dialogue avec Dieu, de «je/nous» à «Tu». Le mot oraison, synonyme de prière, a pour étymologie la bouche. Elle met des mots sur des sentiments, des impressions, des besoins.

Il y a plusieurs types de prières : prière de demande pour soi, pour le monde, pour l’Eglise, pour la nature etc.. c’est l’intercession. A côté de cela, elle se déploie sous de nombreuses formes pour exprimer la reconnaissance. Par exemple la prière de louange exprime le sentiment d’émerveillement devant la beauté. La prière d’action de grâce dit merci après un exaucement. La prière d’adoration, loue Dieu pour lui-même, cri d’amour… Le poids d’une faute peut conduire à la prière de repentance.

En mettant des mots sur les circonstances de la vie, la prière permet ainsi de tenir à distance des situations difficiles. Des mots sur des maux. Mais la prière peut être aussi une attitude infantile teintée de magisme devant la vie. Elle peut aussi incarner un fantasme de toute-puissance…

La méditation

Il est important de voir ce que l’on met sous le terme de méditation. L’étymologie d’abord: méditer vient du latin meditorqui signifie principalement deux choses : réfléchir, penser, et préparer, se préparer, s’exercer. La racine serait médéor : donner des soins (médecine). Le sens de ce mot a évolué au cours des temps. En occident il signifie réfléchir et expliquer : « le pasteur a médité sur tel texte biblique ». Mais depuis plus d’un siècle, l’influence orientale lui a donné un sens différent qui connait un succès important. On peut résumer très brièvement le sens actuel de la méditation en disant qu’elle est constituée de deux éléments : attention à la posture et au souffle. La posture qu’on appelle l’assise, vise à la fois à s’ancrer dans le sol, et à se tenir dans la verticalité), et le souffle, porter aussi sans contrainte son attention sur la respiration.

La méditation est donc constituée d’une attention (posture et respiration), mais elle a aussi une visée, une intention. Les méditations d’origines orientales visent le détachement (le vide, le rien, la paix, l’éveil), les méditations laïques actuelles visent la relaxation, la décontraction, voire l’efficacité en entreprise.

Si on regarde de loin méditation et prière, on peut être amené à y voir deux réalités incompatibles. En effet la première est caractérisée par le silence. Elle va de soi à soi. Elle peut être pratiquée au sein de diverses convictions religieuses, et même hors d’elles. Elle vise l’intériorité. 

La prière quant à elle est constituée de paroles, elle est une relation avec une réalité divine extérieure à l’humain.

Prière et méditation

Silence -paroles, dedans – dehors, est-ce le constat d’une radicale différence et donc d’une impossible rencontre ? Ce serait vrai s’il n’existait pas, dans l’histoire chrétienne, toute une tradition dite de prière silencieuse qui pratique l’oraison profonde, la contemplation, ce que nous mettons de nos jours sous le mot méditation. 

Dès le IIIe siècle, les pères du désert pratiquent la prière silencieuse. Au Moyen-âge, la mystique rhénane avec maître Eckart, Jean Tauler etc… Au XVIe siècle : Thérèse d’Avila et Jean de la Croix vivent et décrivent l’oraison profonde. On rencontre en France au XVIIe toute une pratique mystique dont madame Guyon est une des figures de proue. Il faut dire aussi que, de tous temps dans l’Eglise d’Orient, on pratique l’Hésychasme, la prière du cœur : « Jésus, fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur », répété inlassablement.

Ce mode de prière, historiquement très bien attesté, a toujours été très minoritaire. Il présuppose une théologie qui insiste sur la proximité de Dieu, sa présence à l’intime de l’intime. En effet, le rapport à Dieu dont nous parlons présuppose, postule, croit à la présence divine au cœur de l’humain. Il part du principe que si Dieu est partout, il est aussi en nous. Sa proximité n’enlève rien à son altérité, mais elle est vue autrement. Cette conception est fondée bibliquement par les mots de l’apôtre Paul quand il affirme : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?» (1Co 3, 16). Bien que ce soit dans une visée morale que l’apôtre dit cela, cela n’en reste pas moins un fondement biblique extrêmement intéressant. 

L’exercice du croyant résidera dès lors dans le fait de prendre conscience de cette présence divine, de la laisser être et se développer en son intériorité. Par la méditation, le pratiquant apprendra à se désencombrer de toutes sortes d’éléments qui obstruent la présence divine, qui l’empêche de se manifester.

En ce sens la pratique de la prière consistera dès lors moins à se placer face à Dieu, qu’à faire en sorte que sa présence intime (déjà-là), la grâce, se manifeste et change notre vie. Cette vision-là, est profondément œcuménique, interreligieuse, voire interconvictionnelle. Elle ouvre des trésors spirituels, et surtout des moyens pour cheminer. On reproche en effet souvent à la foi chrétienne proposer fort peu d’exercices, pour progresser dans la foi et dans la vie. Ce qui apparaît avec force est que ces deux pratiques, loin de s’exclure, se complètent et s’enrichissent mutuellement. 

Un enjeu considérable

Réunir prière et méditation présente un enjeu considérable pour l’avenir de l’Eglise et du monde, car c’est dans l’intimité de chaque cœur que se réalise (devient réelle) la présence de Dieu au monde. C’est dans ce lieu que s’opère ce qu’à la suite de St Irénée les orthodoxes appellent la « divinisation », ou ce qu’on peut appeler la sanctification, à savoir que l’amour prend peu à peu forme à l’intérieur du croyant et modifie sa vie et son comportement. Méditer permet de laisser entrer en soi le dessein de Dieu pour ses créatures et sa création.

     Article paru dans Echo Magazine no 14 du 8 avril 2021

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