Interview du journal : La Vie Protestante-GE, Méditation 19 février 2015
Virgile Rochat, vous êtes un des pasteurs protestants à promouvoir la pratique le la méditation au sein du christianisme. Pourquoi l’engouement actuel pour les pratiques de méditation ?
Il y a passablement de raisons pour lesquelles un réel besoin de méditer se fait jour dans la société actuelle.
Il y a sans doute le besoin de silence face à l’univers de bruit dans lequel nous évoluons. Il y a aussi un besoin de calme dans l’agitation, d’intériorité dans le paraître, de stabilité dans la mobilité extrême qui nous entraîne comme des toupies qui tendent à nous éjecter quand elles tournent et tombent quand elles s’arrêtent.
Ce sont les causes apparentes, mais une analyse plus fine permet de lire dans cet engouement un réel désir de vivre le présent. L’instant présent. Celui précisément que ne nous donne pas nos valeurs matérialistes qui nient le passé et font sans cesse miroiter un futur sensé nous apporter le bonheur. Il y a dans la méditation une protestation inconsciente contre la frénésie de la consommation.
Quelle est la spécificité de la méditation chrétienne?
Les pratiques de méditation provenant des spiritualités orientales ou plus ou moins adaptées induisent qu’on le veuille ou non une conception de l’humain et de la théologie qui met mal à l’aise un partie de nos contemporains. Beaucoup, en effet, ne désirent pas changer leurs cadres de références habituels pour méditer (le Dalaï Lama exhorte lui-même les occidentaux à rester dans leurs traditions héritées tant est complexe un changement de références).
La méditation, en christianisme, qu’on l’appelle contemplation, oraison, prière du cœur ou autrement encore repose sur les grands piliers de la foi, à commencer par l’existence de Dieu, un Dieu Père, Fils et Esprit saint qui crée, sauve et vivifie. Il s’agit donc, dans la pratique, de laisser Dieu, la « Présence », la « Source », être en nous. Prendre sa place… « Vous êtes le temple de l’Esprit » dit l’apôtre. Il s’agit de descendre en soi, de se désencombrer… Vous l’aurez compris, la méditation chrétienne ne consiste pas à lire une parole biblique pour la méditer, mais différemment et complémentairement à descendre en soi pour y expérimenter la présence divine, la parole biblique intervenant après l’assise. Sur une terrain bien préparé…
Qu’est-ce que la méditation apporte au christianisme?
La question est la fois bien et mal posée. Mal posée d’abord car elle n’apporte rien qui n’y soit déjà, mais bien posée aussi, car elle déplace certains accents, à commencer par un « rapatriement » de Dieu à l’intérieur de soi. Le Dieu de la révélation est ressenti et vécu comme fortement « extérieur ». On lui demande de venir, on lui demande pardon, on lui demande des choses… Or on affirme aussi qu’il est partout, donc en soi aussi ?
La méditation est aussi fortement œcuménique, aussi bien au sein du christianisme qu’avec les autres religions et convictions. Elle place effet les pratiquants sur le plan de la mystique plus que du dogme. Il s’agit d’une démarche de réponse à la grâce.
Mais la méditation a aussi des conséquences politiques et économiques en ce sens qu’elle met l’objectif de la vie dans le dessaisissement. Et, de fait, a des conséquences écologiques. Le voyage intérieur n’a pas d’empreinte carbone !
De qui s’inspire t-on
La « méditation chrétienne » provient d’une redécouverte d’un texte d’un père de l’Eglise du 4e-5e siècle, Jean Cassien, par John Main, un moine bénédictin irlandais. Ce texte (la neuvième conférence) fonde une pratique de méditation qui intègre des enseignements, le silence, l’immobilité, un mot de prière et ainsi une transformation lente de la personne à l’image de Celui qui l’habite.
Pour en savoir plus, regardez tout le numéro de la VP consacré à cette question ici
Merci! C’est très intéressant et je comprends mieux le fonctionnement!
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